Le monastère de Simonos Petra est l'un des vingt grands monastères qui se sont édifiés entre le Xème et le XIVème siècles sur une longue presqu'île qui s'enfonce dans la mer Égée, au nord-est de la Grèce, et que dominent la haute cime du Mont Athos (2033 m.). En 1978, ce monastère grec comptait parmi ses membres plusieurs étrangers, notamment des Français. De leur nombre étaient le Père Placide (Deseille) et celui qui allait être son fidèle compagnon, le Père Séraphin (Pyotte), déjà riches tous les deux d'une longue expérience monastique. En 1978, tandis que le Père Placide traduisait du grec en français l'Echelle Sainte de Saint Jean Climaque, texte de base de la spiritualité monastique orthodoxe, le Père Séraphin étudiait le chant byzantin et chantait la gloire de Dieu par l'inlassable et habile travail de ses mains.
Envoyés alors en France par l'Archimandrite Aimilianos, higoumène de Simonos Petra, pour y établir une fondation qui serait une dépendance de ce monastère, les Pères Placide et Séraphin inaugurèrent le Monastère Saint Antoine le Grand le 14 septembre 1978, dans une maison vétuste située à Saint Laurent en Royans, dans une vallée sauvage du Vercors. Avec abnégation et confiance en Dieu, ils se mirent à l'oeuvre. Ils restaurèrent de façon sommaire les bâtiments, tout en assurant les offices quotidiens dans une chapelle improvisée, et en continuant de poser les bases d'une vie monastique conforme à la tradition millénaire du Mont Athos. Le Père Placide traduisait du grec les Homélies Spirituelles de saint Macaire d'Egypte, tandis que le Père Séraphin passait ses journées à travailler de ses mains et ses nuits à adapter les mélodies byzantines aux textes liturgiques grecs traduits en français.
C'est ainsi que fut fondé le Monastère Saint Antoine le Grand. Et, dans son sillage, naquit le Monastère de la Protection de la Mère de Dieu, qui devait être plus connu par la suite sous le nom de Monastère de Solan.
A la même époque, le Père Elie (Ragot), venu, lui aussi de Simonos Petra, fonda à Murel (Lot) le Monastère de la Transfiguration, qui devait être ensuite transféré à Terrasson (Dordogne).
Depuis 1996, le Père Séraphin vit en ermite sur l'île de Porquerolles, dans le Fort de la Repentance, qu'il a restauré de ses mains et transformé en Monastère Sainte- Marie-du-Désert.
Père Placide et Père Séraphin, installés depuis 1978 à Saint Laurent en Royans, songeaient à fonder un monastère masculin. Et voici que trois femmes frappent à leur porte, en 1981, animées d’un intense désir de mener la vie monastique sous leur conduite.
« C’étaient comme les Myrophores, arrivées au tombeau du Christ avant les Apôtres… » commenterait plus tard Père Placide, avec un sourire.
A leur école, les Sœurs découvrirent les premiers principes de la vie monastique. Elles avaient surtout sous leurs yeux des exemples vivants des « Pères du Désert » de nos jours. Des voyages répétés en Grèce et en Serbie leur permirent de se plonger dans la tradition vivante, dans cet esprit que nul livre ne peut rendre et que seul le contact vécu permet de percevoir.
A l’automne 1984, eurent lieu dans la foi les premières professions monastiques. Dans la foi, car aucune certitude humaine - même pas un toit - ne venait étayer ce don complet à Dieu de leur vie.
Et voici que peu après, comme une réponse du Seigneur à ce saut dans le vide, une maison dans la vallée, à 3 km de celle des Pères, fut mise en vente. En juin 1985, cinq sœurs s’installèrent dans la nouvelle demeure, encore en chantier (un mode de vie qui leur devint familier par la suite…). Ainsi est né le Monastère de la Protection de la Mère de Dieu. (La fête de la Protection de la Mère de Dieu).
De nouvelles recrues, venant de diverses parties du monde, vinrent se joindre aux premières fondatrices. La communauté comptait huit soeurs et une novice au début de l'année 1991. La vallée était magnifique, sauvage, grandiose et de site classé. Impossible de construire pour agrandir notre nid d'aigle. Notre jardin potager était un champ de cailloux prété par le voisin. Nous y étions heureuses, mais dans l'impossibilitïé de croître et notre atelier de couture d'ornements liturgiques était insuffisant pour notre économie.
Après des recherches tous azimuts dans diverses régions, la Mère de Dieu a conduit nos pas jusqu'à Solan. En novembre 1991, de façon miraculeuse, nous avions l'argent pour en conclure l'achat. Rendant hommage à tous ceux qui nous y avaient précédé, notre fondateur et père spirituel, le Père Placide, pouvait dire dans son allocution lors de la première bénédiction de la maison : "Ce monastère que nous établissons va se trouver dans une propriété agricole, où des générations de cultivateurs et de viticulteurs ont servi le Seigneur par leur travail, par ce travail de la vigne qui est tellement riche d'évocations bibliques : la vigne n'est-elle pas l'image de l'église, et le vin ne nous fait-il pas songer à celui de nos Eucharisties, à celui du Royaume des cieux ? C'est tout ce travail de générations de cultivateurs qui va se trouver comme consacré, puisque ce lieu va être maintenant un lieu voué la louange divine, un lieu où tout sera consacré à la gloire de Dieu."
Tout en gardant son nom original de Monastère de la Protection de la Mère de Dieu, et étant placé sous le voile de la Vierge Marie, le Monastère est aujourd'hui plus connu sous le nom de Monastère de Solan.
Nous arrivions dans un contexte difficile pour l'agriculture et il nous fallait faire face aux réalités du monde rural d'aujourd'hui, avec des questions d'ordre économique (comment vivre de la terre à notre époque ?) et d'ordre éthique (quelle qualité alimentaire pour les produits que nous allons vendre et dont se nourriraient nos frères les hommes ? ).
L'occasion nous fut donnée, avec cette terre dont nous nous sentions plus responsables que propriétaires, de faire des choix cohérents avec ce que nous sommes avant tout : chrétiennes, membres de l'église qui est Corps du Christ. Occasion aussi, dans le monde d'aujourd'hui, tellement à la recherche de ses racines spirituelles, d'ouvrir un chemin qui témoigne d'une vision spirituelle chrétienne de la matière. Dans la foi, nous puisions la conviction que l'homme n'a pas été placé par Dieu dans le monde pour le dominer, à la recherche d'un profit sans limite, mais que sa fonction est d'être comme le chef de choeur d'une création faite pour chanter la gloire de son Auteur.
Mais comment concrètement réaliser ce beau projet ? Certains de nos amis, en économistes chevronnés, nous suggéraient d'arracher toutes nos cultures et de faire autre chose ; la mise en place de l'agriculture biologique était pour nous une évidence, mais ce domaine, déficitaire au départ, ne pouvait l'assumer ; au total, il était déraisonnable de se lancer dans une agriculture à échelle familiale, à l'heure où toutes les petites exploitations fermaient ou étaient absorbées par les industriels de l'agriculture. C'est à l'époque de ces dilemmes que nous avons rencontré Pierre Rabhi, et que nous avons pu réellement aller au fond des choses. Il a osé nous dire : la terre, c'est l'avenir ! et nous a fortement conseillé de ne pas l'abandonner. Et nous nous sommes lancées.
Pierre Rabhi nous a conseillé de faire un inventaire des ressources existantes du domaine, puis de partir de cet inventaire pour construire notre projet de valorisation des terres. Ces paroles ont guidé notre orientation. Nous sommes parties à la rencontre du domaine, avec ouverture, avec beaucoup de curiosité, et avec amour aussi. .. et ce fut le début d'une merveilleuse aventure.
Nous avons entrepris de repenser la gestion de la terre de Solan. Son potentiel réside dans sa diversité qu'il faut retrouver et utiliser. Cette diversité est à la fois richesse et fragilité. Elle exige une grande vigilance dans la gestion des terres et demande d'avoir recours à des spécialistes dans les nombreux domaines qui la constituent (viticulture, arboriculture, hydrogéologie, forêt ...).
Nous avons commencé dès 1993 à transformer les produits de la terre. Peu à peu, au fil des rencontres et des études, et avec l'appui de l'Association des Amis de Solan, nous avons diversifié les cultures et restauré nos bois, le tout dans une optique de gestion patrimoniale.
Tout au long de ce parcours, nous fûmes soutenues par diverses personnes et organismes, auxquels nous tenons à exprimer nos remerciements.